Qu’es-ce qu’un Bean-to-bar ?

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Novembre, 2017

Aujourd’hui, j’ai choisi de vous parler des Bean-to-bar car ce thème était à l’honneur lors du dernier salon du chocolat qui s’est déroulé du 28 octobre au 1er novembre, porte de Versailles  à Paris. Il faut dire qu’un certain nombre de conférences professionnelles étaient dédiées à ce thème et de nombreux artisans Bean-to-bar étaient présents au salon. Dans l’épisode de ce jour je vais donc essayer de répondre à la question « qu’est-ce qu’un Bean-to-bar » ?

La plupart d’entre nous connaissent des chaines de magasins spécialisés dans le chocolat, comme Jeff de Bruges ou Léonidas, voir quelques grandes maisons portées par une ou plusieurs générations d’artisans chocolatiers, comme La maison du chocolat, Valrhona ou plus récemment Patrick Roger.  Depuis le début des années 2000, on a commencé à voir fleurir un nouveau concept de chocolaterie, les Bean-to-bar.

Qu’est-ce qu’un Bean-to-bar exactement ? Est-ce une idée véritablement nouvelle ? Par quelle mouvance est porté ce concept store ? Est-ce vraiment un gage de qualité et quelles valeurs sous-tendent ce concept ? C’est ce que nous allons voir tout au long de ces quelques lignes.

“Croquer dans une tablette bean-to-bar, c’est comme manger du chocolat pour la première fois”

Catherine et Nathalie, fondatrice de Kozac, extrait de Chococlick

Définition d’un Bean-to-bar

Une première définition étymologique

Directement importé de San Francisco, le terme « Bean-to-bar » vient de l’anglais et signifie littéralement « de la fève à la tablette ». Concrètement, le « Bean-to-bar » pourrait être défini comme un lieu où l’artisan prend en charge toutes les étapes de la fabrication d’une tablette de A à Z, en commençant par la torréfaction des fèves sélectionnées, le décorticage, le broyage, le malaxage, le conchage, le tempérage, le moulage et l’enrobage.

Les limites de cette définition

Partant de ce constat, le chocolatier Bean-to-bar se distingue du chocolatier-pâtissier (ou pralinier) qui confectionne des pralines à partir de chocolat de couverture acheté chez un couverturier. Mais, si l’on s’en tient strictement à cette définition, toute chocolaterie produisant des produits chocolatés à partir de fèves séchées serait un Bean-to-bar. En conséquence, Lindt, Mars, Valrhona ou le petit chocolatier torréfacteur du coin seraient mis dans le même panier de fèves… Et, ce serait un peu dommage !

Quelle réalité se cache derrière ce concept revisité de Bean-to-bar ? Pour comprendre les choses et faire le distinguo entre les différents métiers du cacao, je vous propose de nous plonger momentanément dans l’histoire du chocolat.

Un métier ancestral retrouvé

A partir du 16ème siècle, les chocolateries commencent à se développer en Europe, d’abord en Espagne, puis en Angleterre, en France et en Suisse. Les fèves séchées étaient alors importées du nouveau monde et l’ensemble de la transformation se faisait par de petits artisans, donc au plus près des consommateurs… certes peu nombreux. Une pate chocolatée un peu grossière étaient produite pour confectionner une boisson chocolatée*.

Sans entrer dans les détails, l’ère industrielle a fortement contribué à l’émergence d’une industrie du chocolat, accompagnée d’une spécialisation et de l’apparition de nouveaux métiers du cacao avec : des négociants, des broyeurs, des couverturiers comme Valrhona, etc… Entre le 19ème et le 20ème siècle, le secteur de chocolat va se réorganiser de telle sorte que le consommateur n’est quasiment plus en contact avec des chocolatiers-torréfacteurs. Quelques chocolateries auront néanmoins maintenue ce savoir-faire mais, à l’échelle de la consommation nationale, elles font figure de « petit village gaulois ».

Faut-il en conclure que la mouvance récente des « Bean-to-bar » est une sorte de retour aux sources ? D’une certaine manière, derrière le concept de Bean-to-bar, il y a bel et bien cette idée de métier ancestral retrouvé. Il serait toutefois réducteur de s’en tenir à cette conclusion. Le Bean-to-bar ne correspond pas uniquement à la reconnaissance d’un savoir-faire artisanal en opposition aux grandes industries chocolatières. Cela va bien au-delà!

*Au 16ème siècle, la fameuse tablette n’avait pas encore été inventée et le chocolat se consommait sous forme de boisson. Il faudra attendre les frères Fry à Bristol pour voir apparaitre la première tablette en 1847.

Composition des tablettes en masse de cacao, sucre et lait

Sac de fèves de cacao criollo séchées et prêtes à être torrifiées!

D’où nous vient cette tendance ?

Ne nous leurrons pas. Ce n’est pas par pure hasard que la mouvance Bean-to-bar est née dans les années 2000 à San Francisco, aux USA. Faut-il le rappeler ?! San Franciso est le berceau des nouvelles tendances depuis la création de la Sillicon Valley dans les années 30. C’est la Mecque de la culture contre-hippie des années 70, du développement personnel, du zéro déchet et d’une gastronomie bio et éthique. San Francisco est en quelque sorte un concentré des changements de mode de consommation observables de-ci-delà à l’échelle du globe et, en particulier, en occident. Plus précisément, la tendance Bean-to-bar est portée par l’apparition de néo-consommateurs adeptes du bio, des circuits courts, du commerce équitable, de la slow-food et valorisant des produits de qualité bons pour la santé. Désormais, le consommateur veut savoir ce qu’il mange, qui a produit le cacao et comment, où se trouvent les cacaoyers, quel est le cépage et quelle est la part reversée aux producteurs ? En ce sens, le concept de Bean-to-bar est tout à fait révolutionnaire. Mais, attention, comme le signale l’artisan chocolatier, Marc Demarquette, « le concept de Bean-to-bar est génial, s’il est bien fait ».

Composition des tablettes en masse de cacao, sucre et lait

La tablette de chocolat noir bio à 70% – Equateur, Manabi, Criollo blanco

Un concept pionnier

A ce stade, il est possible de fournir une définition complète et précise du concept pionnier de Bean-to-bar. Le Bean-to-bar regroupe l’ensemble des artisans chocolatiers-torréfacteurs qui produisent en petite quantité, voir en série limitée, des tablettes à haute valeur gustative. Ces artisans maitrisent toute la chaine de production en partant des plantations qu’ils visitent et sélectionnent. Derrière ce concept, il y a surtout des femmes et des hommes habités par des valeurs fortes comme la recherche de flaveurs exceptionnelles, la valorisation de cépages anciens, une juste rémunération des producteurs, une transparence des coûts de production d’une tablette, la réduction de l’impact environnemental, une démarche de production biologique ou à minima 100% pur beurre de cacao. Certains vont plus loin en proposant des produits végan et/ou gluten free.

Enfin, deux catégories de Bean-to-bar peuvent être distinguées ce qui va me permettre aussi de vous présenter deux petites découvertes que j’ai faites au salon du chocolat.

  • Il y a tout d’abord les Bean-to-bar locaux, c’est-à-dire les chocolatiers-torréfacteurs implantés sur les zones de productions et qui parfois sont propriétaires des plantations. C’est le cas de Perla qui propose des tablettes de chocolat de Criollo Blanco bio issues de leurs propres plantations Equatoriennes, localisées à proximité de San Vincente. L’emballage des tablettes est sympathique puisqu’il comporte une fève entière. Ceci permet de déguster la fève brute et de comparer avec la tablette qui en est issue.

 

  • La deuxième catégorie correspond aux Bean-to-bar urbains ou, « Neo-Bean-to-bar » comme certains aiment à les nommer. Il s’agit de chocolatiers-torréfacteurs implantés loin des zones de production, le plus souvent en ville. Une de mes plus belles découvertes est le Green Bean-to-bar, une chocolaterie nippone présente au salon et dont les tablettes sont absolument fabuleuses. Introuvable dans l’hexagone ou sur le net, il vous faudra vous rendre dans l’une de leur boutique au Japon, par exemple à Tokyo. Toute la gamme de tablettes est absolument exceptionnelle en termes de flaveurs, notamment les Madagascar et la tablette Alpaca. J’ai adoré le clin d’œil de cette chocolaterie qui, à l’occasion du salon, a produit en édition limitée une tablette aromatisée au citron.

La tablette de chocolat noir à 70% Green Lemon – République Dominicaine

La tablette de chocolat noir à 75% Alpaca – Pérou

En résumé

En résumé, le concept de Bean-to-bar est une sorte de ré-interprétation moderne du métier ancestrale de chocolatier-torréfacteur. Les notions de qualité des produits, d’éthique et d’excellence en matière d’expérience gustative y sont centrales.

Flora

Amatrice de chocolat

Pour en savoir plus

J’espère que le concept de Bean-to-bar n’a désormais plus aucun secret pour vous et vous avoir donné envie de courir vers le Bean-to-bar le plus proche de chez vous. Pour les parisiens, je vous invite à découvrir un Bean-to-bar vegan en lisant ce post.

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