Les dessous du cacao… Histoire choc

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Juin, 2017

Cela fait maintenant plus de six semaines que je vous partage des informations et des découvertes relatives aux tablettes de chocolat.

Comme évoqué dans la présentation du blog, je m’intéresse plus particulièrement aux produits chocolatés biologiques et issus du commerce équitable. Et, il y a plusieurs raisons à cela.

“Cet engouement pour le chocolat a un goût amer ”

Extrait du documentaire “Le côté obscur du chocolat”

Pourquoi cet article ?

Comment Nestlé, Côte d’Or ou certaines Grandes et Moyennes Surfaces (GMS) réussissent-elles à nous vendre des tablettes de chocolat noir 70 % à presque 1 euros ? Qui en paye véritablement le prix ? Comment se répartissent les marges ? Se poser ces questions, c’est ouvrir la boîte de pandore… Et, nécessairement, remettre en cause nos comportements en termes de consommation.

Cet article ne se veut pas être une synthèse exhaustive des impacts des divers modes de production, de fabrication et de commercialisation des tablettes de chocolat. Le sujet est particulièrement vaste. Il s’agit plutôt de vous fournir quelques éléments de connaissance qui vous permettront de voir au-delà du prix et d’initier un questionnement. Mais aussi, de vous inciter à vous renseigner sur la provenance des produits chocolatés que vous achetez régulièrement.

 

Le cacao, un produit de spéculation… bientôt en pénurie ?

Comme le pétrole, le café ou le blé, le cacao est un produit de spéculation. En 2015, les marchés internationaux s’emballent et la peur d’une pénurie de cacao se diffuse. En réalité, cette pénurie concernait la Côte d’Ivoire qui est le premier producteur de cacao.

C’est dans ce contexte médiatique que le Dessous des cartes a réalisé une synthèse plutôt réussie puisqu’elle met bien évidence la multitude des facteurs pouvant influencer le cours du cacao

L’émission met également en exergue quelques éléments socio-économiques et environnementaux que l’on pourra résumer ainsi :

  • L’essentiel de la production provient de petits producteurs à salaire bas (en moyenne 0,5 $ par jour)
  • Les principaux acheteurs sont peu nombreux et suffisamment organisés pour contrôler le prix à l’achat
  • Pour maintenir des prix bas, des producteurs ont recours à travail d’enfants et/ou à l’esclavagisme
  • La baisse probable de production relative au changement climatique est également évoquée mais très peu détaillée.

En revanche, on reste un peu sur sa faim lorsque sont citées les actions alternatives visant à consolider la production de cacao et à garantir de meilleures conditions de production.

Vous pouvez visualiser cette vidéo sur You-Tube avec la clé de recherche “Le dessous des cartes – Le cacao, en voie de disparition ?“.

Écart entre les prix du cacao et de la tablette

D’après le Dessous des cartes, 6% du prix d’une tablette issue du commerce classique reviendrait au producteur. Nous allons essayer de mieux comprendre ce phénomène en s’intéressant à l’écart entre le prix du cacao et celui de la tablette de chocolat.

En matière de prix du cacao et du prix de la tablette, il n’est pas aisé de trouver des informations pertinentes. Quelques ouvrages ou articles abordent ces questions. Ainsi et bien que les chiffres nécessiteraient d’être mis à jour, Michel Barel consacre une section de son livre à ce thème (« Quel est le meilleur chocolat », pp.59-60). Il y présente les résultats d’une étude réalisée de 1992 à 2002 et publiée en 2003. Deux points sont mis en exergue :

  • Une augmentation de plus de 20% du prix de la tablette en 10 ans, passant de 6500 €/tonne à plus de 8000 €/tonne ;
  • Sur la même période, un prix de la fève de cacao plutôt stable de 400 €/tonne, avec un pic de 600 €/tonne en 1998.

Dans sa note économique n°23 publiée en septembre 2005, l’Agreste affine ces résultats en proposant une étude sur un pas de temps plus long, de 1960 à 2002.

Graphique 1 : Évolution de la structure de prix d’une tablette de chocolat noir vendue en France en francs courants (moyennes mobiles sur 5 ans)

Graphique 2 : Évolution de la structure de prix d’une tablette de chocolat noir vendue en France en francs constants, base 2002 (moyennes mobiles sur 5 ans)

Sources : Observatoire cacao Côte d’Ivoire – INSEE France

Dans le graphique n°1, l’ « effet ciseaux » ou l’écart grandissant entre prix de vente et prix de production apparaît très nettement à partir des années 70. Pour reprendre l’expression de Michel Barel, on observe un véritable « divorce » entre les prix du cacao marchand et celui de la tablette de chocolat.

Au-delà de ce divorce, il est intéressant d’observer comment au fil de ces années, le part accordée aux producteurs n’a cessé de diminuer passant de 18% en 1960 à 5% en 2002 (cf. graphique n°2). Cette diminution s’est évidemment faite au profit de l’industrie chocolatière-distribution. Et, à l’heure d’aujourd’hui, les planteurs de cacao sont parmi les plus pauvres des cultivateurs de par le monde.

Face à ce constat, le consommateur peut jouer un rôle en choisissant notamment des produits labélisés commerce équitable. Dans ce domaine, tous les labels ne se valent pas. Par exemple, FAIRTRADE de Max Havelarr offre de bonnes garanties, contrairement à Rain Forest que je ne recommanderais pas. Notez enfin que le label bio ne garantie pas des modes de production respectueux des droits de l’homme et des enfants.

Derrière le cacao, une forme d’esclavagisme moderne ?

La question de la production du cacao a été abordée au travers de chiffres, de cartes et de graphiques. Quelle réalité humaine se cache derrière cette filière ?

Vous trouverez des éléments de réponse dans deux documentaires que je souhaitais vous partager :

  • l’un spécifique à la production cacaoyère de la Côte d’Ivoire, le plus concurrentiel à l’international ;
  • le second, plus récent, réalisé dans le cadre de l’émission Boomerang, qui balaye un scope plus large.

Les documentaires chocs de Miki Mistrati

Le réalisateur et journaliste Danois, Miki Mistrati, aidé du correspondant de l’agence Reuters à Abidjan, Ange Aboa, réussissent, au prix de nombreuses ruses, à produire deux films documentaires chocs sur les dessous de la production cacaoyères en Côte d’Ivoire. La critique de Télérama sur ce sujet est d’ailleurs élogieuse.

Filmographie Mikki Mistrati et Ange Aboa :

  • La Face cachée du chocolat, diffusé sur Arte en octobre 2011.
  • Le Goût amer du chocolat,mercredi 11 décembre 2013, à 20h45 sur France Ô.

Boomerang : Les dessous de la barre chocolaté

Ce second documentaire n’est pas exclusivement consacré à la Côte d’Ivoire et, en ce sens, offre une vue un peu plus large des dessous de la production cacaoyère. Il a également le mérite de présenter quelques alternatives plus positives, donnant ainsi une lueur d’espoir.

En résumé

Acheter du chocolat relève dans la majorité des cas d’un achat d’impulsion. Pourtant, au vue des documentaires mis en lien, l’acte est loin d’être anodin. Lorsque nous choisissons une tablette issue de la grande industrie, nous nous inscrivons dans un système socio-économique inégalitaire et contribuons à fragiliser des écosystèmes. Bien qu’imparfaites, des alternatives existent et il est important que nous prenions position au sein du système monde.

Flora

Amatrice de chocolat

Pour en savoir plus

Au fil des prochains articles, tant dans les essentiels que dans les découvertes, je vais tenter d’approfondir les différentes questions qui ont été soulevées ici. L’objectif reste néanmoins de prendre du plaisir… un plaisir qui ne saurait être complet sans être un citoyen du monde.