Encuentro avec Candice
20
Mai, 2019
Hiver 2018, dans le quartier Saint Lazare, le froid me transperce et une légère pluie fine me glace le visage. Au loin, rue de la pépinière, apparaît une silhouette svelte. Coiffée d’un bonnet, elle accroche son vélo, puis, s’avance vers moi d’un pas assuré et léger. Candice, la co-créatrice de la chocolaterie Encuentro me serre la main, le visage serein.
Ma petite sélection de tablettes Encuentro de 75gr chacune
Cette attitude entre élégance discrète et nonchalance me perturbe. Qui est Candice ? Qui est cette femme dont la chocolaterie se localise à Montreuil, ville du « Neuf-Trois » en mutation entre quartier populaire et start-up ? Piquée de curiosité, je me laisse envahir par l’enthousiasme de la découverte et j’ai hâte… hâte de vous la présenter
Cette semaine, je vous propose une rencontre avec un grand « R ». Il sera question d’hasards heureux, de partage, de voyages et d’aller toujours de l’avant. Qu’en dites-vous ? Voulez-vous me suivre et découvrir qui se cache derrière « Encuentro » ?
“Le chocolat … C’est faire quelque chose de nos mains. C’est rencontrer l’autre, les producteurs, les clients”
Candice de Encuentro – Extrait de l’interview de l’hiver 2018
Une aventure à deux avec un brin de parité et d’égalité – Crédit photo : Encuentro
Encuentro, en bref!
Avant de rentrer dans le vif du sujet et, pour ceux qui ne connaissent pas encore la chocolaterie Encuentro, je vous propose ce bref résumé qui va, j’en suis sûre, vous donner envie d’en savoir plus !
Encuentro est un bean-to-bar de chocolats d’exception dont le laboratoire a été créé début 2018 à Montreuil, en Seine-Saint-Denis. La fabrication est 100% artisanale – « tout est fait à la main » – à partir de fèves fermentées-séchées rares, bio et acquises à un prix juste. D’ailleurs, Encuentro ne négocie pas les prix avec les producteurs et jouent la transparence vis-à-vis de ses clients.
En moins d’un an, Candice et Antoine ont séduit toute la place de Paris, avec :
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La reconnaissance d’Alain Ducasse… Rien que ça !
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L’Award de la meilleure découverte décerné en Novembre 2018 lors du salon du chocolat à Paris.
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Et, dans le petit monde des amateurs de tablettes, nous étions nombreux à les avoir repérés
Pourtant, au sortir de leurs brillantes études, un diplôme de Centrale Lille en poche, rien ne les prédestinait à devenir des artisans chocolatiers autodidactes et reconnus par leurs pairs. Comment ces jeunes trentenaires ont-ils réussis à bousculer les codes, à devenir chocolatiers sans un CAP et à proposer un produit d’excellence, bio et éthique ? C’est ce que nous allons découvrir !
Jamais 2 sans 3… 3 rencontres majeures
Pour comprendre l’essence d’Encuentro, il nous faut découvrir ses créateurs que je qualifierais volontiers d’outsiders au grand cœur. Je m’en vais donc vous conter leur histoire, véritable mélodie qui se joue en trois temps.
Le temps des bancs de l’école
Tout commence sur les bancs de l’École Centrale de Lille, où deux âmes sœurs se sont trouvées, des âmes portées par une même soif d’entreprendre et de solides valeurs humaines. Ce qui m’a le plus marquée dans les propos de Candice est, sans nul doute, son besoin presque vital d’aller à « la rencontre de », d’être dans l’échange et dans la reconnaissance de l’autre. Cette essence jalonne leur histoire et leur a probablement inspiré le nom de la chocolaterie : encuentro signifie « rencontre » en espagnol !
Le temps des Tropiques
Parmi les questions introductives que j’aime à poser, il y a celle-ci « quel est vôtre premier souvenir lié au chocolat ? ». Je découvre ainsi, qu’au début des années quatre-vingt-dix, Candice et Antoine avaient du goût pour le chocolat comme la plupart des enfants de leur âge : « Petite, j’étais la seule a aimé le chocolat noir… J’ai toujours été madame chocolat dans la famille. […] Pour Antoine, il adorait le chocolat à s’en rendre malade ». Le terreau était certes bien là! Mais, il faudra attendre 2008 pour que la passion qu’on leur connaît fleurisse au grand jour : « la découverte du cacao est arrivée très tard, lors d’un stage en République Dominicaine, à Santo Domingo ».
Cette année-là, Candice est envoyée en stage en logistique, en République Dominicaine. Antoine la rejoint et le jeune couple s’investit dans une association locale hors de la capitale, « les ateliers de Chantal » . Ils s’intégreront très vite et deviendront les « Dominicains blancs ». Au cours de ces mois, lorsque cela était possible, Candice et Antoine partiront sur les routes à la découverte de l’île. C’est au cours d’une balade dans le nord de l’île, qu’aura lieu LA rencontre déterminante avec… le cacao !
Candice me confie, alors : « La première rencontre avec le cacao a eu lieu au Nord de l’île. C’est la première fois que nous avons goûté la pulpe du cacao. Nous y avons rencontré un planteur*, Christobal. Il nous a fait visiter les diverses plantations [qu’il exploite]. Une plantation… C’est marrant, c’est comme une forêt vierge. […] Antoine et moi avons alors découvert que la République Dominicaine était le 1er exportateur de fèves de cacao Bio et nous trouvions regrettable qu’il ne se passe rien sur l’île en matière de chocolat de dégustation »
Le stage s’achève, retour en métropole pour décrocher le sacro-saint diplôme avec un chemin tout tracé d’entrepreneur dans la tech et dans le digital. Mais, une petite fève avait été plantée dans leur caboche.
*Un planteur exploite une plantation mais ne la possède pas.
Il y a quelques jours la petite famille découvrait l’écabossage avec les planteurs – Crédit photo : Encuentro
Candice s’essaye aux techniques de récolte – Crédit photo : Encuentro
Le temps de l’action
En 2010, Candice décroche son diplôme. L’un comme l’autre suivent la tendance et travaillent dans des start-up parisiennes. Ils découvriront les bons et les mauvais côtés de ce monde : « On n’a connu le monde passionnant des start-up. On part d’une page blanche…Il y a la phase de levée de fond et le côté “croître toujours plus vite” » m’explique-t-elle.
En 2012, au hasard de retrouvailles, le destin de Candice va se sceller. Elle revoie une copine de promo avec qui elle jouait dans un club de football. Son amie lui explique comment, avec l’aide de son conjoint, ils avaient ouvert un musée du chocolat et une chocolaterie à Lima, au Pérou. Les regards de Candice et d’Antoine se croisent et, en quelques secondes, c’est le déclic ! Pourquoi ne pas faire la même chose en République Dominicaine, ce pays où Candice et Antoine ont rencontré l’or brun ?!
Et, un award en poche ! Bravo !!!! Crédit photo : Encuentro
Le stand du Salon du Chocolat où j’ai rencontré Candice – Crédit photo : Encuentro
De Punta Cana à Montreuil, viser l’excellence en autodidactes
En 2012, retour en République Dominicaine ! Avec l’aide de son amie qui la conseille, de lectures spécialisées et des vidéos youtube des Mast Brothers, le jeune couple se forme à l’art du chocolat.
L’aventure commence réellement avec la location d’un terrain à Punta Cana, plaque tournante du tourisme en République Dominicaine. Ils y font construire un musée du chocolat, un atelier et une boutique attenante. Le couple se partagent les tâches. Candice est à la production, gère les stocks, la boutique et manage l’équipe de production tandis qu’Antoine se charge du musée et des relations commerciales. Le succès de la chocolaterie est immédiat : « On est passé de 2 à 16 employés quasiment du jour au lendemain ! […]».
Le projet de Punta Cana ne s’arrête pas là. Antoine et Candice embauchent qui veut bien apprendre et les forment : « On avait un projet dans le projet. On avait aussi l’objectif de leur apprendre, de les faire monter en compétences. C’est là que l’on se sent utile. Lors des entretiens, il fallait juste que la personne ait l’envie. »
En dépit d’un succès fulgurant, les aléas de la vie et les intimidations de la mafia locale ont contraint le couple à vendre l’entreprise et à rentrer en France. La passion du chocolat, elle, ne les quittera plus ! Ainsi, suite à une pause bien méritée, l’idée de créer une entreprise similaire en France germe de nouveau dans leur « cabosse ». Après plusieurs mois de réflexion, ils s’adaptent au contexte économique français et décident de commencer petit en louant un atelier à Montreuil et en limitant le prêt bancaire à l’achat de quelques machines. Le projet n’en est pas moins ambitieux. Candice et Antoine aspirent à devenir un véritable bean-to-bar en produisant un produit haut de gamme à partir de fèves fermentées-séchées grand cru et bio. Rien que ça !
En moins d’un an, le challenge est relevé avec une première consécration au salon du chocolat de novembre 2018. Inventifs et audacieux, Candice et Antoine sont des créateurs de chocolats que je vous invite à suivre attentivement !
Go Girls!
Le conseil de Candice ! Y aller par étapes et tester !
« C’est bien d’y aller par étapes surtout pour ceux qui hésitent encore. Le plus difficile est de se lancer. Ce qui nous a aider à être plus sereins… c’est d’avoir notre première petite entreprise de bracelets au sortir de nos études, en 2010. Cela aide à se poser les bonnes questions, éviter les pièges, apprendre à fixer un prix ou juste avoir les premiers échanges avec l’administration française. […] Et, la première fois où l’on gagne de l’argent d’inconnus, c’est génial ! »
Les 4 piliers d’Encuentro
Au fil de l’interview, j’ai découvert les quatre secrets à l’origine de la fulgurante réussite d’Encuentro. Je vous les livre ici avec mon habituelle petite infographie !
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Règle n°1 : Décidez-vous et passez à l’action en y allant par étapes ! Lorsque l’amie de Candice propose de les aider dans la création d’une chocolaterie-musée en République Dominicaine, le couple quitte leur job respectif en moins d’un mois et ouvre la chocolaterie à Punta Caba ! Mais avant, cela ils auront déjà testé la création d’entreprise et ce n’est qu’en France qu’ils se lanceront dans un véritable Bean-to-Bar.
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Règle n°2 : Soyez méthodique et rigoureux ! Vitesse ne veut pas dire précipitation ! C’est en analysant le marché de manière pointue que Candice et Antoine ont su se positionner en République Dominicaine. Le projet avait alors été pensé pour le tourisme, le contexte ne leur permettant pas la production d’un produit d’excellence : « En République Dominicaine, c’est vite compliqué à cause des températures, des coupures de courant ou de l’importation des machines pour travailler le chocolat. »
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Règle n°3 : Ne craignez pas l’inconnu, expérimentez ! Aujourd’hui, pour qui veut apprendre, tout est disponible en ligne, sur les réseaux ou encore dans des manuels spécialisés. L’absence d’un CAP n’a donc pas arrêter nos amis, loin de là ! Ils ont su trouver les bonnes sources d’informations et s’entourer en échangeant avec les coopératives partenaires. A cela ajoutez une bonne dose d’expérimentation et vous serez en mesure de découvrir presque tous les secrets du chocolat.
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Règle n°4 : Soyez ouvert aux autres ! C’est avec respect et ouverture d’esprit que le jeune couple a découvert les plantations dominicaines ou qu’ils ont su rencontrer les bonnes personnes pour se former. Véritable fil d’Ariane, cette qualité transparaît dans tous leurs projets en témoignent la juste rémunération des producteurs de cacao partenaires, ou, encore le respect pour leurs employés de Punta Caba qu’ils ont formés sans les juger.
Enfin, le couple que forme Candice et Antoine est inspirant et résolument moderne, très « parité, égalité » comme le souligne Candice. Dans leurs expériences entrepreneuriales, il n’y a jamais eu de place prédéfinie. En matière de création de chocolats, Candice et Antoine sont polyvalents et interchangeables : l’un comme l’autre maîtrisent toutes les étapes de fabrication de leurs chocolats. Leurs tablettes sont issues d’une véritable co-création!
Une petite dégustation ?!
Après tant d’éloges, j’imagine que vous êtes curieux de découvrir leurs tablettes ?! Je vais donc vous partager la dégustation réalisée au cours du salon du chocolat ainsi que les deux petites merveilles que j’ai dénichées chez Kozak.
Direction le salon du chocolat, secteur bio, Novembre 2018. Candice m’accueille avec un large sourire et me propose de découvrir sa gamme de tablettes certifiées Bio en partant du plus faible pourcentage au plus élevé. En dépit de l’environnement bruyant et agité du salon, tous les sens sont sollicités. L’emballage des tablettes nous invitent d’emblée au voyage et à la rêverie… L’esquisse d’une cabosse jaune évoque des fruits comme la mangue tandis qu’une cabosse rouge nous laisse imaginer des saveurs de fruits des bois. Le spectacle livré à nos yeux ne s’arrête pas là ! J’apprends ainsi que la couleur de la cabosse esquissée sur les emballages est soigneusement choisie en fonction des flaveurs de la tablette. J’avoue que l’astuce est pratique et permet de guider les consommateurs. Lorsque Candice me présente ses échantillons de chocolat, je suis surprise par la belle robe auburn de ses tablettes à plus de 70% de cacao. Puis, viennent les saveurs : l’équilibre est parfait, aucune amertume ou astringence n’apparaît, seuls des saveurs fruitées de mangue viennent m’enivrer. Parmi les tablettes qui auront le plus émoustillé mon palet, je retiendrais surtout la 100% en provenance de République Dominicaine, récolte 2017. Cette tablette est d’une douceur déconcertante avec une petite pointe de pep’s en fin de dégustation.
La tablette Guatemala 70%, une valeur sûre pour ceux qui aiments les tablettes fruités avec une pointe d”acidité
La tablette Eclats de fèves caramélisées aux fruits de la passion pour scender à une gourmandise en toute élégance
Quelques mois plus tard, devant cet article inachevé, je sens l’envie de m’immerger de nouveau dans le monde d’Encuentro. En quelques minutes, me voilà prête à partir en direction de la petite boutique tenue par Nathalie et Catherine dans le nord de Paris. Je repars avec deux petites perles : une tablette de chocolat noir à 70% Guatemala ainsi qu’une tablette à 70% aux éclats de fèves caramélisées aux fruits de la passion.
- La Guatemala tient ses promesses et me replonge au salon du chocolat lorsque j’ai rencontré Candice. Cette tablette est particulièrement fruitée. On sent bien les notes de mangue et j’y ai aussi décelé des notes d’orange, de fraise et, dans une moindre mesure, de banane. La tablette est fondante alors qu’aucun beurre de cacao n’est ajouté pour respecter le profil aromatique de la fève. Elle est assez longue en bouche et j’ai apprécié l’équilibre sucre/acidité.
- La tablette aux éclats de fèves caramélisées aux fruits de la passion a connu un large succès auprès de mon entourage. La base chocolat est longue en bouche avec des notes de noisettes, cacao, abricot et banane verte. Le contraste entre la force des éclats de fèves et le sucré-acidulé des fruits de la passion est saisissant. J’adore ! Je me suis d’ailleurs empressée d’offrir cette tablette à des amis qui se reconnaîtront
En résumé
Candice n’est pas qu’une entrepreneuse, une épouse et une mère. C’est une véritable créatrice de chocolats et une tisseuse de liens. Elle bâtit des ponts entre consommateurs, auprès de qui elle défend un chocolat éthique et bio, et les producteurs dont elle reconnaît la qualité de leur travail. A présent, une chose m’apparaît comme évidente : le pas assuré de Candice, pas qui m’avait tant marqué lors de notre deuxième rencontre, n’est autre que celui d’une femme parfaitement alignée avec les valeurs portées en son cœur. Et, c’est à cet endroit précis qu’il faut chercher l’origine d’« Encuentro ».
Quant aux tablettes Encuentro, je suis complètement fan ! C’est artisanal, c’est Bio, la qualité est plus qu’au rendez-vous et les producteurs sont rémunérés à un prix juste. Pour moi, c’est en quelque sorte le Saint Grâal ! Tout ce auquel je crois est réuni dans 75gr de chocolat ! Je ne peux donc que vous inviter à les découvrir et vous souhaitez une bonne dégustation.
Remerciements
Un grand merci à Candice pour sa disponibilité et sa simplicité. J’ai adoré découvrir l’histoire de ces co-créateurs de tablettes de chocolat exceptionnelles. J’espère que le parcours d’Encuentro et de Candice vous inspirera dans vos projets qu’ils soient chocolatés ou non. Enfin, je tiens à remercier mon photographe personnel qui embellit chaque mois mon blog N’hésitez pas à me poser vos questions, laisser vos remarques ou commentaires ci-dessous, sur mon instagram ou sur ma page facebook.