Ma madeleine de Proust
Rencontre avec la Maison Gumuche
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Mars, 2018
« On a tendance à préférer les chocolats avec lesquels on a grandi […] » Comment ne pas rejoindre l’avis d’Eri Ikezi, auteure des Génies du chocolat (2017, Ed. Renards) ?! Si Proust avait sa madeleine, j’ai pour ma part mon praliné au chocolat de cœur, celui qui a donné naissance à ma passion. Ce praliné est celui de Monsieur Gumuche dont l’atelier était à un pâté de maison de chez moi. Cela fait donc plus de 30 ans que je le connais et, c’est en quelque sorte grâce à lui, que j’écris sur ce blog.
C’est très précieusement que je garde le souvenir de la découverte de l’atelier au fond de ma mémoire… J’avais plus précisément jeté mon dévolu sur la “salle des trésors”, cette pièce sombre, fraîche, où étaient stockés les pralinés et confiseries Gumuche. Mon nez y était submergé par les effluves de chocolat. J’y entrais avec la même révérence qu’on pénètre dans une cathédrale… à petit pas, en silence, comme si le moindre bruit aurait pu faire tourner ces friandises.
C’est donc avec bonheur, qu’aujourd’hui, je vous partage l’histoire de la Maison Gumuche.
“On a tendance à préférer les chocolats avec lesquels on a grandi […]”
Eri Ikezi, Auteure de “Les génies du chocolat” (2017)
Trois générations de confisseurs chocolatiers
La Maison Gumuche, c’est avant tout une histoire familiale de confiseurs qui a débuté en 1949, en banlieue Est, au Raincy. Depuis l’arrivée de Artin Gumuche au 132bis avenue Thiers, deux générations se sont succédées, chacune d’entre-elles ayant contribué à faire évoluer la confiserie.
La naissance de la confiserie
Lorsqu’Artin Gumuche décide d’ouvrir une confiserie en complément de l’épicerie tenue par son épouse, nous sommes en pleine après-guerre. Formé au sein de la Maison parisienne Foulon depuis 1924, Artin Gumuche maîtrise l’art de la confiserie et de la chocolaterie. Mais, les débuts furent particulièrement difficiles. Il se heurte d’abord à des difficultés d’approvisionnement en matière première, notamment en sucre. L’acquisition de machines était de l’ordre de la « mission impossible » ! C’est donc avec une pointe d’admiration que fils et petit-fils évoquent les détails de l’arrivée de la première broyeuse. Elle restera la seule machine de la confiserie pendant plus de 10 ans !
Les obstacles ne s’arrêtent pas là ! La concurrence était également rude, les chocolateries foisonnant sur Paris. Enfin, la population privilégiait les achats de première nécessité, se laissant tenter par les gourmandises en de très rares occasions. La première année, Artin Gumuche ne vendit que 2 kg de pâte d’amande !
Un tel chiffre d’affaire en aurait découragé plus d’un. Pour autant, Artin n’abandonne pas. Il a alors la remarquable idée de se spécialiser dans les fondants pour se faire une « petite » place. Cette décision fut particulièrement heureuse ! A la fin des années 50, la confiserie est déjà reconnue par ses pairs comme la première de la place de Paris en matière de confection de fondants.
L’essor de la confiserie des années 60 aux années 80
En 1962, Jean Gumuche retourne à la vie civile et reprend l’activité au côté de son père. L’arrivée du fils signe les débuts d’une modernisation de la confiserie : Jean acquiert de nombreuses machines mécaniques leur permettant de répondre aux demandes croissantes. A cette époque, la Maison Gumuche n’est pas ouverte à la vente aux particuliers. Elle approvisionne les petits commerces et détaillants en fondants, pâtes d’amandes, pâtes de fruits, chardons, dragées et chocolats. Petit à petit et avec la collaboration de VRP, leurs produits sont vendus sans marque dans presque tout l’hexagone. C’est une belle réussite pour celui qui avait écoulé deux tout petit kilogrammes de pâte d’amande en 49 !
La deuxième génération n’est pas exempte de difficultés. A la fin des années 80, les supermarchés prolifèrent mettant à mal les petits commerces qui s’approvisionnaient auprès de la Maison Gumuche. Beaucoup de confiseries et chocolateries ferment les unes après les autres. La situation est telle que Jean Gumuche s’interroge sur le maintien ou non de l’activité. La confiserie Gumuche résiste encore une fois grâce à ses fondants et à sa clientèle de dimension nationale.
A la fin des années 90, rien ne laissait présager du devenir de la confiserie. Le contexte ne semblait pas favorable et Jean Gumuche souhaitait laisser un libre choix de carrière à ses enfants.
1998 : un nouvel élan
En décembre 1998, un simple coup de fil change le cours de l’histoire. Un entrepreneur raincéen leur propose un chalet pour le village de Noël, sur la place de l’Hôtel de Ville. Jean Gumuche consulte ses enfants qui n’hésitent pas une seconde. L’expérience est réussie et, en janvier, ils s’ouvrent à la vente aux particuliers. La fratrie reprend alors officiellement la confiserie en 1999 et décident de lui donner un nouvel élan. Dans la foulée, ils ouvrent un site de vente en ligne où ils se démarquent encore une fois pour leurs fondants. Aujourd’hui, les particuliers représentent 30% de leur clientèle.
Il y a environ un an, Nathalie et Christophe sont mis à l’honneur dans un article du Parisien (LP/H.H.)
Les frère et sœur Gumuche ne s’arrêtent pas là. Porter par une furieuse envie de partager leur passion, ils participent à divers salons locaux et, en 2014, ils lancent des ateliers « chocolat » dédiés aux enfants. Cette année et avec la collaboration de l’office du tourisme du 93, la confiserie Gumuche a également ouvert ses portes aux plus grands d’entres-nous.
Les coulisses d’une chocolaterie
Le 17 mars dernier, j’avais rendez-vous à l’atelier Gumuche pour une session découverte organisée avec l’office du tourisme du 93.
Christophe Gumuche vous y reçoit et vous met d’emblée dans l’ambiance en vous décrivant toutes les phases de la préparation du pralin. Aucun détail n’est oublié : la provenance des matières premières est indiquée et les temps de fabrication sont précisés. On prend alors la mesure de tout le travail manuel, du savoir-faire, de l’expérience nécessaires à l’élaboration des pralinés et fondants.
On passe ensuite à un petit atelier enrobage et techniques de moulage des figurines de Pâques. Les papilles ne sont pas en reste et on se délecte à en tester les résultats. Je ne vous cacherais pas que cela a fait l’unanimité auprès des participants, moi comprise.
“Dans l’univers artisanal qui semble inchangé depuis des années et où 3 générations se sont succédées, on découvre avec bonheur l’art de faire du chocolat. Les démonstrations et explications sont très claires et l’accueil est aussi chaleureux que généreux. On repart heureux de voir la tradition se perpétuer.”
Marie-Hélène et Guy, participants de l’atelier du 17 mars 2018
Ce que j’ai particulièrement apprécié lors de cet atelier fut l’échange humain. J’ai été frappée par la curiosité des participants qui ne tarissaient pas de questions. De même que j’ai adoré scruter leurs regards étonnés à la dégustation. Les personnes présentes ont pu faire le lien entre qualité des matières premières, savoir-faire et saveurs des produits finis. Cet atelier leur a permis de découvrir les différences gustatives entre un chocolat artisanal et un chocolat industriel. De ce point de vue, c’est une belle victoire ! J’adhère à 100% !
Ce que j’adore
Au-delà de la générosité et de la passion qui animent la famille Gumuche, la transparence est sans doute ce qui les qualifient le mieux. Christophe et Nathalie vous indiqueront sans problème la provenance des matières premières ou de celles transformées. Ils assument parfaitement le fait de faire appel à un couverturier quand d’autres artisans évitent même le sujet. « Nous nous fournissons chez Barry […] [Et] travaillons à partir de tablettes de chocolat de 5 kilogrammes. […] Torrifier des fèves, on ne sait pas faire. C’est un autre métier. Cela nécessiterait des machines qu’on ne possède pas… on n’aurait pas la place.»
Le seul reproche que je pourrais leur faire c’est sans doute de pécher par trop d’humilité. Personnellement, j’ai été frappée par la fabrication à l’ancienne des fondants, du pralin et des dragées. Je tiens aussi à souligner le mode de conservation des pralinés qui se fait dans une pièce climatisée mais non réfrigérée. La Maison Gumuche ne congèle donc pas ses pralinés et vous dégusterez du 100% frais.
Enfin, ces artisans m’emmènent toujours dans des sentiers gustatifs inattendus. Petite, alors que je ne jurais que par le chocolat au lait, le père de Christophe m’avait fait découvrir un praliné au chocolat noir qui devint mon étalon pendant 20 ans.
Aujourd’hui, Christophe m’a fait découvrir ses nouvelles créations élaborées pour la naissance de ses filles :
- Les juliettines en l’honneur de Juliette, un praliné enrobé de chocolat au lait et recouvert d’éclats de noisettes grillées
- Les louisettes en l’honneur de Louise, un praliné enrobé de chocolat noir et recouvert d’amandes effilées grillées.
Ma préférence va, contre toute attente, pour les juliettines. Finalement, le chocolat au lait a ses charmes 😊
Je ne peux que vous conseiller de tester ces deux créations ainsi que leurs truffettes et muscadines (praliné avec éclats de noisettes grillées enrobés de chocolat noir et de sucre glace) qui font fureur. Quelques soient les goûts de votre petite tribu, la palette de produits est telle que vous trouverez toujours de quoi satisfaire tous les palais.
En résumé
Lorsqu’on entend parler d’artisans chocolatiers, les mêmes noms sont souvent cités dans les journaux et les médias… Certains se contentent même de ne citer que des grandes enseignes. Pourtant, même au fin fond de l’est parisien, il existe des réalités locales avec d’anciennes maisons artisanales méritant le détour. La Maison Gumuche est emblématique de cette réalité. Nul besoin donc de se rendre dans la capitale pour rencontrer des artisans passionnés et généreux. Il suffit d’oser sortir des sentiers battus et de pousser la porte de la confiserie Gumuche au 132 avenue Thiers.
C’est avec bonheur que je vous partage cette adresse à la veille de Pâques. Leurs poules en chocolat Gumuche ont accompagné mon enfance et je vous souhaite qu’elles enjolivent les vôtres. Bonne dégustation à tous !
Remerciements
Je tiens à remercier Jean Gumuche qui m’a fait tomber dans la marmite de chocolat ainsi que Christophe, Nathalie et Martine qui ont joué le jeux de l’interview. 😊
Vous souhaitez en savoir plus sur la Maison Gumuche ?! … N’hésitez pas à vous rendre ici.
Bravo pour la justesse de cet article! Je m’approvisionne également depuis des années à la confiserie Gumuche pour Noël et Pâques, et c’est un vrai plaisir de partager leurs merveilleux chocolats avec mes proches. Ma fille de 6 ans a fait un atelier la semaine dernière et n’aurait pas eu plus d’étoiles dans les yeux si elle avait visité l’atelier du père noël